“Nous sommes le rêve d'un dormeur qui dort si profondément qu'il ne sait pas qu'il nous rêve." Jean Cocteau
Je ne sais pas si toi aussi tes rêves te prennent. Vraiment. Si tes rêves s’emparent de toi de telle sorte qu’au réveil tu n’es pas certain que le rêve n’ait été qu’un rêve ?
Et s’il se trouvait que ton rêve avait été réel, qu’il avait été encore plus vrai que la réalité elle-même ?
Cela m’arrive souvent. Je me réveille mais le rêve persiste, il continue son emprise. Ce ne sont pas les images qui me restent, celles-ci très vite s’effacent, mais quelque chose d’autre résiste, une force, une impression générale dans le corps. Je ne suis plus tout à fait moi. À l’intérieur se trouve quelqu’un d’autre, un inconnu sans visage, un autre cœur qui bat tout près du mien. Un étranger a pris place en moi et cette illusion me garde longtemps sous son voile, encore plusieurs heures après mon réveil.
J’ai avec mes rêves une relation qui tient du physique.
Mes rêves habitent mon corps, ils font de lui un réceptacle de chair qui ne se régénère jamais tout à fait. Des rêves restent malgré la distance du temps et je ne peux rien faire pour les nettoyer, pour les redessiner. Simplement ils sont, une partie de moi indestructible.
Mes rêves prennent souvent la forme d’un malaise long et pénible, une sensation de gêne qui perdure, qui se rallonge jusqu’à m’être vraiment désagréable. Quand je ferme les yeux, l’étrangeté déforme tout. Le beau se déchire, l’ordinaire perd sa rassurante stabilité, les visages familiers deviennent les masques des monstres.
Il faut pourtant endurer le rêve, le traverser à la manière que l’on aurait de fendre un brouillard épais, de fissurer les nuages. Il faut se contraindre à retenir le laid, l’irréparable, le garder en soi. Ne surtout pas s’épancher au réveil, au risque de rendre réel l’indicible.
Et si mon rêve était plus qu’un rêve ?
S’il était une réalité, une autre vie parallèle à la nôtre ? Que ferais-je dans cet autre monde de mes étrangetés ainsi mises à nu ? Il vaudrait mieux que les rêves se tiennent à ce qu’ils sont, qu’ils demeurent des secrets cachés dans les draps, qu’ils n’aillent pas plus loin que dans la tête des gens.
Je ne veux pas te dire ce que je rêve. Tu me regarderais différemment, tu croirais à une sorte de démence. Quand je rêve, je ne suis absolument que folie.
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