top of page

À celui, celle que tu n’as pas su oublier


"Je voudrais perdre la mémoire

Pour ne plus changer de trottoir

Quand je croise mes souvenirs."



Je me souviens de toi. Je me souviens de toi comme d’une affiche impossible à décoller, dont les lambeaux persistent à colorer des murs que l’on avait pourtant revoulu vierges. Tu insistes. Tu ne veux pas t’en aller car sûrement la seule raison pour laquelle tu peux encore vivre est que ma mémoire ne sait pas t’effacer. Elle te garde mais ce n’est pas seulement ton visage qu’elle garde, c’est aussi tout ce qui de ma mémoire s’est jeté dans mon corps, les gifles dans l’estomac que ton indifférence a causées.


Je n’ai pas oublié le ricanement que le vent avait choisi d’épouser ce jour-là, le parfum que le sel avait décidé de prendre sur mes lèvres, comment la mer battait la digue, comment le froid tendait ma peau dans toutes ses extrémités. Je n’ai pas oublié les adieux. J’ai appris grâce à toi qu’il existe des douleurs capables de s’imprimer jusque dans la bouche, de lui donner un goût, une sorte d’acidité qui vient se rouler contre le palais pour se rappeler à vous, à toute partie de vous.


Je n’ai rien oublié. Des papillons premiers, des rires dans les vagues agitées, des mains entrelacées devenues sous le sable des statues de bronze. Je n’ai rien oublié. Des saisons auront beau se planter dans ma chair, des étés auront beau s’additionner dans ma mémoire, augmenté la ligne irrégulière de mes souvenirs, le tien restera quoiqu’il advienne en première ligne. Une victoire qu’un simple détail me rappellera. Il suffira d’un mot, d’un silence, d’une manière que la mer aura de fredonner pour que l’image remonte, pour que tu sois, sans jamais t’arrêter, la claque qui me retient d’aimer, le coup qui retire de mes lèvres son sourire habituellement pendu.



Comments


bottom of page